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mariecompagnon
24 février 2006

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D’abord, il y a le plaisir à fabriquer. Empiler, plier, sectionner, trouer, déplier et se laisser surprendre.

Pour en garder la saveur secrète, Marie Compagnon parle de « ses ouvrages de dame » ou de « ses travaux de fille ». Ce qu’elle présente comme un ensemble de petits riens, relève pourtant d’opérations sophistiquées. Des formes géométriques tridimensionnelles sont retaillées à partir d’une forme orthogonale bidimensionnelle. Les tétraèdre, octaèdre, dymaxion et autre rhomboèdre doivent trouver leur place dans un carré ou un rectangle qui servent de plan de coupe. Par le jeu d’intrication d’un espace dans un autre espace, l’orthogonalité est rompue. Cette intervention, au sens chirurgical du terme, lui permet de créer du discontinu. La manipulation tranchante qu’elle exerce, dont on connaît la violence de l’acte tout autant que sa simplicité, font apparaître des constructions aléatoires non-standard. Ce que certains obtiennent à l’issue de calculs numériques imposants, Marie Compagnon le réalise.
Elle répète cette procédure avec quelques variantes selon ses travaux.
Les pliages en papier, « ses origamis » sont issus de modèles géométriques de base auxquels elle impose un pliage carré, qu’elle perce et qu’elle retaille. Les manipulations évitent toute expression intentionnelle. Ce sont des surprises qui se nomment plus tard, au gré de leur utilisation. Suspendus au plafond, avec une lumière projetée dessus, « ses origamis » sont installés de manière hasardeuse, non calculée. Ils deviennent des lustres à pampilles. Dans ce cas, ce sont les pampilles qui priment comme autant de cellules autonomes, les unes à côté des autres, sans composition préétablie et contraignante.
À quelle rêverie s’attache-t-elle, en modélisant un caillou en 3D. Autre objet tridimensionnel, complexe dans sa forme et sa structure, qu’elle s’évertue à aplatir avec cette « volonté incisive » que requiert cette matière dure comme le décrit Gaston Bachelard. Cette mise à plat, qui passe par la construction d’un patron en 2D, permet l’apparition d’architectures articulées, « son alphabet ». Des objets-lieux qui se métamorphosent. Écran, paravent, cabane, rocher, cachette… se construisent et se déconstruisent à volonté à partir d’une feuille (bois, mousse et feutre) cousue façon sellerie. « Son alphabet », c’est des formes décidées qui tiennent grâce aux charnières à goupille, ici des tiges de métal dans des anneaux de cuir, comme celles des fenêtres et des volets. Tous ces détails ne sont pas hasardeux, ils insistent sur ce qui les motive : habiter les objets ; qu’on marche dessus ou qu’ils nous enveloppent.
Il y a donc peu d’écart entre la méthode constructive et la pratique des objets dont elle favorise la manipulation. Les volumes dépliés sont « ses paysages praticables ». La mobilité des articulations relève de technicités familières, celles de la couturière ou du poinçonneur. Elle s’y soumet avec obstination, malgré leur possible réalisation industrielle. C’est la mécanique programmée du geste qui est expérimentée. Une mécanique issue de la construction retrouvée des frises et des ribambelles et des motifs intrinsèques qui les constituent.
Si Marie Compagnon fait de la dentelle avec des blocs de pierre, c’est qu’elle est passée maître au jeu « pierre, ciseau, papier ». Elle en mesure les aléas, elle en connaît les règles : la pierre casse les ciseaux, les ciseaux coupent le papier, le papier enveloppe la pierre.


Jeanne Quéheillard
Janvier 2006


Papiers perforés
papier, fil de cuir.
623 x 437 x 402 mm.
619 x 567 x 476 mm.

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